« Pour voir la rivière aujourd’hui, il faut filmer plus large que la rivière, il faut filmer le bassin versant, le cycle de l’eau. »
En investiguant les « gaves », ces puissants cours d’eau qui s’écoulent entre Pyrénées et Atlantique, Dominique Marchais nous entraîne dans une enquête édifiante sur l’évolution des rivières, profondément modifiées par l’intervention de l’Homme. C’est aussi l’occasion d’une rencontre avec des individus qui, chacun à leur façon et coûte que coûte, tentent de contenir cet impact colossal sur la nature.
PROJECTION SUIVIE D'UNE RENCONTRE AVEC LE RÉALISATEUR, DOMINIQUE MARCHAIS
LE MOT DU RÉALISATEUR
« J’ai commencé à filmer les rivières avec La ligne de partage des eaux et, depuis, je ne cesse de les filmer. Comme objet paysager d’abord, puis comme objet politique, et je me suis intéressé à ce qui se passe dedans, dans l’eau : les poissons, les insectes, leur circulation, leur habitat. Pourquoi les poissons se reproduisaient-ils à Sauveterre, et pourquoi maintenant leur faut-il remonter 50 km plus haut, à Oloron ? Qu’est-ce qui a changé ? Les rivières me fascinent, leur cheminement un peu secret, leurs connexions avec les nappes, les mystères qui entourent leurs sources, les résurgences, le fait qu’elles soient parfois cachées, comme le gave d’Oloron, profondément incisé et invisible depuis les champs qui le bordent. J’ai d’abord appelé le film La ligne claire, avec cette idée de la rivière comme ligne de sens, qui rend tout intelligible : l’aménagement du territoire, la biodiversité et les flux hydriques. Puis je me suis aperçu que ce n’était pas du tout une ligne, et que ce qu’elle racontait était tout sauf clair ! En fait, j’ai renoncé progressivement à l’idée d’intelligibilité pour au contraire en arriver à souhaiter que, à la fin du film, le spectateur ne sache plus trop ce qu’est la rivière. Alors j’aurais réussi mon affaire, me disais-je. C’est donc très sciemment que j’ai construit un film lacunaire et méandreux, que j’ai refusé la logique amont/aval et que j’ai filmé plusieurs rivières comme s’il s’agissait toujours de la même car, pour moi, plus que la rivière, c’est la notion de bassin versant qu’il nous faut mieux comprendre, intérioriser. Le film est donc une contribution à une déconstruction de la catégorie « rivière ». Il montre qu’elle n’est que la partie visible du réseau hydrographique, une partie d’un tout qui nous échappe, d’un réseau qui se poursuit souterrainement et, pourquoi pas, dans l’atmosphère. » - Dominique Marchais