
Ciné thé
À Téhéran, un homme et une femme se retrouvent nez à nez avec un couple leur ressemblant trait pour trait. Neuf ans d’écriture : c’est le travail qu’a mobilisé Mani Haghighi pour ce dernier film. La thématique du double déploie ici de façon vertigineuse la portée de son questionnement existentiel, en usant des codes du film noir pour mieux évoquer les angles morts de notre identité, toujours changeante.
LE MOT DU RÉALISATEUR
"Mon coscénariste, Amir Reza Koohestani, qui est également metteur en scène de théâtre, travaillait sur la traduction d’une pièce horrifique intitulée Le nombre. Une pièce où un père dont l’enfant vient de mourir décide de le cloner. Mais il découvre que son fils a été dupliqué plus d’une centaine de fois. J’ai commencé à me dire que cette pièce ferait un bon sujet de scénario. La dimension politique du sujet m’intéressait particulièrement puisqu’il y est question de biologie, d’éthique et de questions existentielles sur ce qui façonnent notre identité. Qu’est-ce que cela fait d’avoir un clone ? Comment pourrait-on vivre avec cela ? [...]Le scénario étant lui-même assez dense, je ne voulais surtout pas en rajouter en stylisant le film. Je voulais une approche frontale, directe. Bien sûr, j’ai cherché à donner au film un style visuel mais il ne fallait pas qu’il empiète sur le récit. Comment définiriez-vous ce style ? En deux mots : humide et sombre. La pluie s’écoule, les fuites d’eau dans les appartements aussi, les personnages boivent sans cesse de l’eau ou du thé… Et sombre car les opacités, les obscurités dominent dans le film. Une métaphore de ce que l’on ignore. C’est ce que j’appelle un effet à la Caravage. Tout plonger dans l’obscurité pour ne faire ressortir que les éléments qui vous intéressent. Ce sur quoi vous voulez attirer l’attention des spectateurs. Cela crée non seulement du mystère, de l’inquiétude mais aussi de la poésie."- Mani Haghighi