Le Mépris : projection-débat avec Bamchade Pourvali, docteur en cinéma

Événement
Vendredi 30 juin à 20h
Redécouvrez le chef d'œuvre de Jean-Luc Godard pour le 60ème anniversaire de sa sortie !

Camille et son mari, scénariste, partent sur le tournage d’une version de l’Odyssée par Fritz Lang, réalisée en Italie.

Le réalisateur disait que “Le sujet du Mépris, ce sont des gens qui se regardent et se jugent, puis sont à leur tour regardés et jugés par le cinéma”. Un chef d’œuvre de mise en abyme, qui ressort en salle pour son 60ème anniversaire !

 

PROJECTION SUIVIE D'UNE RENCONTRE AVEC BAMCHADE POURVALI, DOCTEUR EN CINÉMA

 

LE MOT DU CINÉASTE

"Camille n'agit que deux ou trois fois dans le film. Et c'est ce qui provoque les trois ou quatre rebondissements véritables du film, en même temps que ce qui constitue le principal élément moteur.

Mais contrairement à son mari, qui agit toujours à la suite d'une série de raisonnements compliqués, Camille agit non psychologiquement, si l'on peut dire, par instinct, une sorte d'instinct vital comme une plante qui a besoin d'eau pour continuer à vivre.

Le drame vital entre elle et Paul, son mari vient de ce qu'elle existe sur un plan purement végétal, alors que lui vit sur un plan animal.

Si on se pose des questions sur elle, comme le fait Paul, elle ne s'en pose aucune. Elle vit de sentiments pleins et simples, et n'imagine pas de pouvoir les analyser. Une fois le mépris pour Paul entré en elle, il n'en sortira pas, car ce mépris, encore une fois, n'est pas un sentiment psychologique né de la réflexion, c'est un sentiment physique comme le froid ou la chaleur, rien de plus, et contre lequel le vent et les marées ne peuvent rien changer ; et voilà en fait pourquoi le Mépris est une tragédie.

[...]

La deuxième partie du film se passe à Capri le seul décor utilisé est celui de la villa Malaparte avec, aux alentours, les énormes et grandioses blocs de rochers sauvages plongeant directement dans le royaume de Poséïdon, lequel, ne l'oublions pas, est l'un des seuls dieux à ne pas aimer Ulysse et à ne pas le protéger. C'est pour cette raison que la situation géographique de la villa est importante. Seul face à la mer, elle renforcera l'idée d'un monde odysséen, en lui donnant une réalité et une présence quasi palpable. Toute la deuxième partie sera dominée du point de vue couleurs par le bleu profond de la mer, le rouge de la villa et le jaune du soleil, on retrouvera ainsi une certaine trichromie assez proche de celle de la statuaire antique véritable. Dans tout le film, le décor ne doit être utilisé que pour faire sentir la présence d'un autre monde que le monde moderne de Camille, Paul et Jérémie Prokosch. Les scènes de l'Odyssée proprement dite, c'est à dire les scènes que tournent Fritz Lang en tant que personnage, ne seront pas photographiées de la même façon que celles du film lui-même. Les couleurs en seront plus éclatantes plus violentes, plus vives, plus contrastées, plus sévères aussi, quant à leur organisation. Disons qu'elles feront l'effet d'un tableau de Matisse ou Braque au milieu d 'une composition de Fragonard ou d'un plan d'Eisenstein dans un film de Rouch. Disons encore que d'un peint de vue purement photographique, ces scènes seront tournées comme de l'anti-reportage. Les acteurs y seront très maquillés. La lumière du monde antique tranchera ainsi par sa dureté par sa netteté de celle du monde moderne où s'agitent nos héros (ou plutôt nos pantins- car les héros ce sont Ulysse et ses compagnons

Contrairement au roman, le temps n'est pas fragmenté en une série de petites scènes s'étalant sur plusieurs moins, mais composé de quelques longues scènes s'espaçant sur une durée de quelques jours. Il s'agit, dans le film, de raconter l'histoire à la fois du point du vue de chaque personnage, surtout Paul et Camille et d'un point de vue extérieur à eux et c'est ici que le personnage de Fritz Lang prend toute sa valeur." - Jean-Luc Godard

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