Séance unique : Jeanne Dielman, 23, Quai du Commerce, 1080 Bruxelles

Événement

Projection rencontre

Dimanche 11 juin à 17h
Un film qui a marqué l'Histoire du cinéma, projeté en version restaurée et suivi d'un échange

Ce sont des gestes qui rythment le quotidien bien compartimenté de Jeanne. Un quotidien qu’un événement inattendu vient perturber.

On ne sait pas si Jeanne Dielman est le « meilleur film de tous les temps » , comme l’a décrété en 2022 la revue Sight and Sound. On sait en revanche que cette œuvre exceptionnelle marque une date dans l’histoire du cinéma, en faisant intervenir une autre conception du temps à l’écran. Chantal Akerman innove en faisant de ce temps si quotidien, d’ordinaire exclu des écrans de cinéma, le sujet même de son film, et de l’aliénation consentie par son personnage une image du destin de nombreuses femmes.

PROJECTION SUIVIE  D'UN ÉCHANGE AVEC CLAUDINE LE PALLEC MARAND, PROFESSEURE DE CINÉMA ET CONFÉRENCIÈRE

LE MOT DE LA RÉALISATRICE

"Je vivais dans un monde de femmes. Mon père avait trois sœurs et ma mère avait trois tantes. Nous étions tout le temps ensemble, si ce n’était pas chez l’une c’était chez l’autre. J’ai donc vu ça. C’était une manière de vivre d’Europe de l’est qui, d’une certaine façon, avait remplacé le rituel juif où chaque geste de la journée était ritualisé. J’ai vécu dans ce rituel là jusqu’à mes huit ans, quand mon grand- père, qui vivait avec nous, est décédé. Mon père et ma mère y ont mis fi n mais les gestes sont restés. C’est comme si les gestes de Jeanne Dielman avaient rem- placé ce rituel là, qui est un rituel perdu et qui, je pense, donne une sorte de paix. Pour elle, savoir chaque jour et à chaque minute ce qu’elle va faire la minute d’après donne une forme de paix, il n’y a pas de place pour l’angoisse. C’est pour ça que le lendemain, quand elle se lève trop tôt, elle a une heure à remplir. Qu’est-ce qu’elle va faire de cette heure ? C’est l’angoisse qui la prend quand elle reste dans le fauteuil. Il y a une tension qui se crée parce que souterrainement on sent qu’il va arriver quelque chose. C’est comme une tragédie antique, avec rien, presque rien... [...]

Il ne s’agissait pas pour moi de faire un fi lm naturaliste, où il n’y a aucun geste en trop, aucun parasite, le personnage devient le refl et juste de mille autres Dielman sans être vraiment aucune d’elles. Et toute la mise en scène va dans le même sens, c’est pour cela, les plans fi xes, le découpage stylisé de l’espace, la caméra face aux personnages (que le personnage soit de face ou de dos.) L’acharnement minutieux à cerner chacun des gestes pour, comme dans la peinture hyper réaliste, donner une valeur exemplaire à ce qui est montré, pour dépasser l’anecdote, le sujet, et en découvrir la vérité profonde, si j’ose dire." - Chantal Akerman

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