
Ciné thé
En évoquant ce film qui avait toute son admiration, François Truffaut mettait au défi quiconque de résumer To be or not to be, même à l’issue de la séance. Nous ne contredirons pas cet avis, et nous nous contenterons donc de dire que ce chef d’œuvre (sans hésiter) d’Ernst Lubitsch raconte les aventures d’une troupe de théâtre en lutte contre le régime hitlérien.
Tout l’art de Lubitsch est présent dans cette comédie aussi élégante que féroce. Les mots d’esprit fusent, les situations cocasses (et irrésumables, donc) s’enchaînent, Hitler se salue en faisant « Heil Myself » et le spectateur est aux anges. Mais l’émotion est aussi présente, à travers l’évocation d’une civilisation européenne irrémédiablement perdue.
UN MOT SUR LE FILM
Il y a deux sortes de cinéastes, c’est pareil pour les peintres te les écrivains, ceux qui travailleraient même sur une île déserte, sans public, et ceux qui … non… à quoi bon ? Pas de Lubitsch sans public mais, attention, le public n’est pas en plus, il est avec, il fait partie du film. Dans la bande sonore il y a le dialogue, les bruits, la musique te nos rires, c’est l’essentiel, sinon il n’y a pas de film. Les ellipses de scénario, prodigieuses, ne fonctionnent que parce que nos rires établissent le pont d’une scène à l’autre. Dans le gruyère Lubitsch, chaque trou est génial.
De temps en temps, l’expression « mise en scène » signifie quelque chose, ici elle est un jeu qui ne peut se pratiquer qu’à trois et seulement pendant la durée de la projection. Si vous me dites : « Je viens de voir un Lubitsch dans lequel il y avait un plan inutile », je vous traite de menteur. Ce cinéma là, le contraire du vague, de l’imprécis, de l’informulé, ne comporte aucun plan décoratif, rien qui soit là « pour faire bien », non, on est dans l’essentiel jusqu’au cou. J’ai parlé de ce qui s’apprend, j’ai parlé du talent, j’ai parlé de ce qui au fond, éventuellement , peut s’acheter en y mettant le prix, mais ce qui ne s’apprend ni ne s’achète c’est le charme et la malice, ah, le charme malicieux de Lubitsch, voilà qui faisait de lui vraiment un Prince. » François Truffaut