
Projection rencontre
Que prévoit le destin – Mektoub – pour cette bande de jeunes gens de Sète qu’Abdellatif Kechiche a filmée durant des années ? Amin, photographe discret, fait la connaissance d’un producteur de cinéma et de sa femme. Cette dernière ne laisse pas son hâbleur de cousin Tony indifférent. Nul besoin d’avoir vu les autres films de cette trilogie solaire pour apprécier la vitalité du cinéma de Kechiche, qui s’aventure pour une fois du côté du vaudeville autant que du drame dans un film terrien où tout est force et mouvement.
Ce film est disponible en version audiodécrite et sous-titrage pour personnes sourdes et malentendantes.
Suivi d’une rencontre avec l’acteur Salim Kechiouche, animée par Nadir Dendoune, journaliste
LE MOT DU RÉALISATEUR
"Des années ont passé depuis Canto Uno. Des années de silence, de travail, et de bouleversements. Revenir aujourd’hui avec Canto Due, c’est retrouver des visages aimés, des corps, des voix. Les mêmes, et pourtant, quelque chose a changé. Je ne les avais jamais vraiment quittés, mais ce retour est pour moi aussi une forme de retrouvailles, où je réalise que le regard, lui, s’est laissé traverser. Il s’agit du même été, pourtant. Mektoub My Love n’est pas une trilogie au sens classique. Les deux chants et l’intermède qui les sépare viennent d’un seul tournage, d’un même geste, d’un même élan. Trois mouvements pour tenter de saisir quelque chose du vivant, du désir, de la jeunesse. Comme des variations, non figées. Avec le recul, j’ai l’impression que si Canto Uno célébrait la beauté, l’élan, le désir, dans une forme jaillissante, Canto Due lui fait écho, autrement. Tourné dans la même urgence, il explore une autre tonalité. Les corps dansent encore, les rires résonnent, mais le récit se tord, le réel s’y infiltre et l’innocence du premier se heurte à des malentendus. On glisse vers un désenchantement. « Depuis 20 ans, je n’ai plus cessé de rire. C’en est troublant presque inquiétant, une anomalie, car il y aurait plutôt de quoi pleurer » écrivait Bégaudeau dans La Blessure, la vraie. Il y a quelque chose de ce rire-là dans Canto Due. Rire malgré tout. Les couples se séparent, l’actrice ne veut plus jouer, la mère ne veut pas de l’enfant. Tout cela vient creuser une forme de mélancolie qui ne se prend pas vraiment au sérieux, et qui se rit plutôt d’elle-même, comme pour s’excuser d’être là." - Abdellatif Kechiche
