
Projection rencontre
L’une, c’est Suzanne, mère de famille isolée ; l’autre, c’est Pomme, une jeune femme extravertie qui quitte rapidement sa famille pour vivre sa vie. Entre elles naît une grande amitié. De 1962 à 1977, les destins de Suzanne et Pomme rencontrent les grandes luttes féministes, qu’elles s’approprient, chacune à leur manière. Cette fable sur la sororité, considérée – à tort – comme naïve à l’époque, fait entendre l’espoir d’une société nouvelle, plus égalitaire. Entre joie de vivre et dureté de l’avortement en Hollande, union autour du procès de Bobigny et de la figure de Gisèle Halimi, Agnès Varda refuse toute univocité, préférant au contraire faire entendre toutes les voix, chantantes, ou pas.
Séance suivie d'une rencontre avec Claudine Le Pallec Marand, conférencière en histoire et esthétique du cinéma
UN MOT SUR LE FILM
"Quand on me demande « Est-ce que c’est difficile d’être une femme dans le cinéma ? », je réponds que c’est surtout difficile de faire un cinéma radical. Personne n’a jamais dit « c’est pas mal pour une femme ». On dit : « c’est nouveau ou c’est pas nouveau », « elle s’est plantée », « c’est bien »… J’ai toujours tenue à être considérée comme cinéaste avant tout. Dans ma vie privée, oui j’ai été militante féministe bien sûr ! Mais je n’ai pas voulu faire un cinéma militant, mis à part avec le film L’une chante, l'autre pas. [...] Ce film racontait la lutte des femmes. Ce n’était pas seulement moi qui était militante, c’était surtout ce récit de la lutte pour le droit à la contraception qui me semble tellement évident, tellement scandaleusement évident que cela me paraît aujourd’hui encore aberrent que les femmes ont dû se battre pour l’avoir. Je ne vous parle même pas de l’avortement…[...] J’étais très amie avec Delphine Seyrig. Elle était très militante, très joyeuse et très intelligente. C’est ce que j’ai aimé dans le militantisme des femmes dans les années 1970. Tout se faisait dans une incroyable bonne humeur ! Nous chantions, les filles portaient des robes à fleur. Il y avait quelque chose de baroque ! L’ambiance s’est ensuite durcie parce que les problèmes étaient plus graves. On n’a pas envie de rigoler avec les femmes battues ou les mutilations… Dans ma vie, j’ai connu des femmes qui ont avorté dans des conditions atroces, j’ai connu des évolutions des mœurs chez les femmes et les hommes, dans la société." - Agnès Varda, Critikat, 18 mars 2014
