
Trois femmes attendent devant le centre de rétention, parfois des heures. Là sont détenues des personnes qui leur sont chères. La réalisatrice part d’expériences intimes : laissant la parole à des femmes qui semblent trop souvent se heurter à des murs, elle nous fait comprendre, presque charnellement, ce que peut représenter l’angoisse et les doutes de l’attente. Et à travers elles, c’est tout un système répressif qui se dévoile.
Suivi d’une rencontre avec la réalisatrice, Annick Redolfi et Dominique Simonnot, Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté
LE MOT DE LA RÉALISATRICE
« N’ayant pas obtenu l’autorisation de filmer dans le centre de rétention, j’ai cherché la forme que pourrait prendre ce film. C’est en passant de nombreuses heures d’attente à discuter avec les autres visiteurs que le dispositif filmique s’est imposé. L’accueil des visiteurs, je peux le filmer. Même si les policiers de garde veillent à ce que la caméra ne soit jamais tournée vers le centre de rétention. Ce qui m’est apparu d’abord comme une contrainte est devenu la force du film. En observant la rétention en plans serrés, j’englobe le lieu d’enfermement et tous ceux qui sont pris dans son champ de gravité : les visiteurs des retenus et au-delà, la société française dans son ensemble. L’accueil des visiteurs est un lieu frontière, entre intérieur et extérieur. C’est là que se joue tous les jours le même théâtre de l’absurde : celui de l’enfermement de personnes étrangères qui n’ont commis ni crime ni délit, mais qui n’ont “pas de papiers”. Dans cet espace, nos personnages évoluent à huis clos dans une dynamique de l’attente qui évoque la pièce de Samuel Beckett “En attendant Godot”. Ils sont nos fenêtres sur l’intérieur interdit, l’incarnation de l’extérieur invisible, les passeurs du vécu d’un enfermement qui est aussi le leur car il s’inscrit dans leur histoire intime. Ils sont des révélateurs, montrant comment notre société assigne l’Étranger au rôle d’indésirable. Comment la France n’est pas le pays des droits de l’Homme qu’elle prétend incarner. » - Annick Redolfi
