
Projection rencontre
En 1890, Mademoiselle Julie et sa compagne et associée Mademoiselle Cara dirigent le pensionnat des Avons, qui accueille des jeunes filles de bonnes familles. Troublants, le charme et la personnalité de Mademoiselle Julie fascinent les jeunes pensionnaires, et ne tardent pas à envoûter Olivia, une nouvelle arrivante.
La sortie en 1951 de ce film réalisé par une femme, écrit par une femme, adapté d’un roman écrit par une femme, et joué par des femmes, tient de l’événement : la presse rendra tour à tour des verdicts élogieux ou outragés. Toutefois, si Olivia est nécessairement un film avant-gardiste par son féminisme, celui-ci ne doit pas éclipser le talent de sa réalisatrice, Jacqueline Audry, et de son élégante mise en scène, qui nous emporte dans un délicieux tourment.
Ce film est disponible en version audiodécrite et sous-titrage pour personnes sourdes et malentendantes.
Suivi d'une rencontre avec Brigitte Rollet, chercheuse et auteure de Jacqueline Audry, la femme à la caméra. Débat traduit en LSF
UN MOT SUR LE FILM
"En 1951, un film français relatait ainsi cette histoire d'emprise réelle, de chavirement sentimental derrière les murs, avec un culot effarant, droit au fait et sans omettre l'opacité certaine, les accents équivoques propres à ce genre de passion éprouvée par une élève pour sa professeure de lettres. Sans non plus le besoin de recourir aux simagrées du Mal : Olivia est d'une crudité mystérieuse à faire pâlir les baroques. Il n'y a pas de jugement porté, aucun recours à la moralité. Impossible de réduire le film à un discours, fût-il féministe ou, pour parler de manière anachronique, LGBTQ+. C'est beaucoup plus retors et pervers que cela (on n'adapte pas impunément, comme le fit encore Jacqueline Audry, la comtesse de Ségur, Colette ou cet Olivia). C'est trop cruel et sexuel à chaque fois, entre les personnages, pour servir toute autre cause que celle de laisser une telle histoire advenir, devenir l'affaire du cinéma aussi, dans ses inflexions inédites et son indécence parfaite. [..] Mais cette frontalité sidérante encore aujourd'hui du sujet traité, fidèlement outrée, ne doit pas oblitérer le talent réel de la mise en scène d'Audry, son sens de l'espace, de la caractérisation (les pensionnaires ont des physiques disparates, pas la mignonnerie d'ingénues canoniques), le travail étudié des accents et des tessitures. Ajoutons à cela la partition magnifique de Pierre Sancan, qui donne au film un tour irréel, proche de certains films de Becker ou, côté volière légère, parfois de Max Ophuls. Gardons-nous de faire de l'oubliée Jacqueline Audry une cinéaste soudain culte ou une curiosité genrée, ce serait en faire trop ou à côté. Mais Olivia est un film rare à tous les sens, beau, précieux, secret. Interdit aux moins de 16 ans à sa sortie." - Camille Nevers, Libération