
Avant-première
Les années algériennes de Fanon ont déjà fait l'objet, cette année, d'un biopic signé Jean-Claude Barny. Ce nouveau film consacré à la genèse de Peau noire, masques blancs, œuvre phare de son auteur prématurément disparu, s'attache à la même période, mais en s'ancrant davantage dans une recherche documentaire : le tournage a eu lieu dans les bâtiments du service de Fanon. Une plongée dans les souffrances psychiques dues à la colonisation et à l'exploitation des êtres humains.
Avant-première suivie d'une rencontre avec l'acteur Alexandre Desane et le réalisateur, Abdenour Zahzah (sous réserve)
LE MOT DU RÉALISATEUR
« Dans sa lettre de démission adressée en 1956 au gouverneur d’Algérie, Frantz Fanon écrit : “Depuisde longsmois,maconscienceestlesiègededébats impardonnables.”
Ce film est une tentative de décrypter ces débats en resituant l’action de Fanon à l’hôpital psychiatrique de Blida-Joinville, le siège symbolique de sa conscience durant les trois années qu’il a passé en Algérie entre 1953 et 1956.. […]Pour raconter cette histoire, j’ai travaillé à partir des notes cliniques de Fanon, conservées par les archives de l’hôpital de Blida-Joinville, mais également des témoignages du personnel qui a travaillé directement avec lui à l’époque. Entre 1998 et 2002, avec le Pr Bachir Ridouh, le psychiatre “héritier” de Fanon à l’issue de la guerre, j’ai tourné un film, Mémoired’asile, durant le tournage duquel j’ai pu explorer les coulisses de l’hôpital et recueillir toutes les histoires qu’on pouvait y entendre sur les années Fanon. Puis j’ai attendu le bon moment pour que la fiction que j’en aie tirée puisse prendre vie.
Le film est conçu comme une sorte d’“épopée de la folie” que traverse Fanon et où affleurent aussi bien les considérations médicales, cliniques, que les événements extérieurs à l’hôpital qui ont forgé l’esprit du docteur au point qu’il en soit devenu un anti-colonialiste acharné. Le film s’en tient donc au point de vue d’un Fanon qui n’est encore qu’observateur “objectif” au sein d’un hôpital conçu comme laboratoire permettant d’explorer les différents aspects de l’aliénation des peuples liée à la colonisation. C’est pourquoi ce film s’articule autour de mots, prononcés par des acteurs français et algériens, des mots qui, dans un contexte de limitation, de musèlement du discours, peuvent encore être entendus par des oreilles attentives… » - Abdenour Zahzah