
Avant-première
En Suisse, des médecins réalisent des ateliers avec des comédien.ne.s pour simuler des interactions avec de futur.e.s patient.e.s. Mais peu à peu, le jeu ouvre un nouvel espace, qui libère la parole et révèle le mal-être d’une profession. À la frontière entre théâtre et cinéma, Alexe Poukine signe un documentaire saisissant sur les problèmes structurels du secteur hospitalier. Comment se défaire de ses propres préjugés dans la conduite d’une analyse médicale, ou annoncer un cancer, et faire preuve d’empathie, quand tout autour de soi se dérobe ?
Avant-première suivie d'une rencontre avec la réalisatrice, Alexe Poukine
LE MOT DE LA RÉALISATRICE
« Le principe de la simulation est que, loin d’être innées, les qualités humaines telles que l’empathie s’acquièrent et se cultivent. S’il peut aussi s’agir pour les soignant.es d’apprendre des gestes techniques, cette approche est de plus en plus utilisée pour leur fournir les outils nécessaires pour communiquer et exercer leur profession avec bienveillance.
Si au cours des premiers mois des repérages, j’ai été complètement fascinée par cette approche, en écoutant des praticien.nes expérimenté.es s’exprimer sur leur travail, j’ai progressivement vu émerger certaines ambiguïtés.
Beaucoup de soignant.es dénonçaient l’impossibilité, par manque de temps et de moyens matériels et humains, de mettre en pratique les valeurs humanistes enseignées en simulation. J’en suis venue à me demander si en cherchant à modifier les comportements individuels plutôt qu’à questionner la responsabilité de l’institution, on ne contribuait pas à culpabiliser des personnes déjà sous pression ? […] Il m’est en tout cas apparu inconcevable de réaliser un film sur la simulation en milieu médical sans évoquer la réalité quotidienne du personnel de santé. Pour rendre partageable leur expérience, j’ai cherché une pratique où - comme dans les simulations - le « faux » révèle le « vrai » et parfois même le « transforme ». J’ai découvert une troupe de théâtre forum composée de soignant.es qui, pendant leur temps libre, viennent rejouer des situations problématiques, voire traumatisantes, vécues à l’hôpital. Comme pour la simulation, il s’agit avec cette pratique de trouver les bons mots et les bons gestes pour se préparer au mieux à la « vraie vie ». - Alexe Poukine